5 films emblématiques de la Movida

La movida est le nom du mouvement de contre culture espagnole correspondant à la transition démocratique du pays, de la mort de Franco en 1975 jusqu’à la fin des années 80.

Madrid me Mata fut une revue mensuelle de la Movida, 16 numéros parurent entre 1984 et 1985.

La movida c’est la mutation, l’élan d’une jeunesse qui agite et libère l’Espagne de ses jongs, qui l’ouvre brutalement au même rang que ses pays occidentaux voisins.
Le nom de movida cependant ne vient pas originellement de l’idée de mouvement et de déplacement, mais d’une expression argotique employée alors à Madrid «  hacer una movida » qui signifiait quitter le centre ville pour aller chercher de la drogue en banlieue. Une petite virée pour faire le plein…
Madrid est le coeur de la movida, on parle d’ailleurs souvent de « movida madrilena », mais ce mouvement a rapidement touché l’ensemble du pays, avec un écho particulièrement fort dans les villes de Barcelone, Bilbao, Valence et Séville.

La figure de proue de la dictature enfin enterrée, la jeunesse prend le dessus et déborde de créativité. La movida se caractérise avant tout par sa transgression. La jeunesse qui l’anime est née après la guerre, elle n’est pas traumatisée comme le reste de la population et va rompre radicalement avec les années noires de la dictature.

Les deux arts médiateurs de la movida sont le cinéma et la musique. Esthétiquement ce mouvement est très similaire au punk et à la new wave ses contemporains, mais s’ancre particulièrement dans son histoire.
On peut le diviser comme ses confrères en deux époques : La Rollo underground, qui démarre à la mort de Franco jusqu’en 1980, et correspond vraiment au mouvement punk anglais en plein essor aussi ; et la Nueava Ola, traduction de la new wave, suite du mouvement plus pop et moins trash, intégrant l’esthétisme glamrock anglais comme T Rex et Bowie…
Cette jeunesse bohème qui la compose vient des grands centre et vit essentiellement la nuit, un monde de fête et de débauche propre à ces générations d’après guerre.

Alaska y los Pegamoides, groupe de punk rock représentatifs de la movida dont les tubes se retrouvent en BO de différents films.

La fête est donc un topos de la movida et au même titre que le punk ce mouvement est caractérisé par le risque, l’envie de brûler, la jouissance excessive de l’instant… Mais la volonté diffère, il y a une joie constante très juvénile dans ce mouvement qui accompagne le désir de renouveau de la société. La fête comme amnésie nécessaire pour avancer, mais aussi parce que la société, en plein bouleversement politique, reste fragilisée et vie dans la hantise d’une retour de la guerre civile. Tout brûler puisque tout peut encore basculer….

La movida va sortir radicalement l’Espagne de son puritanisme. Subversive elle s’acharne à rire et démonter toutes les valeurs traditionnelles et franquistes. Toujours blasphématoire au plus haut point, elle joue aussi sur la provocation sexuelle à outrance, et présente une mixité sociale qui la caractérise et qui est nouvelle pour le pays. Un vent puissant de liberté colorée que nous présentons à travers une sélection de 5 films.

 

PEPI, LUCI, BOM ET AUTRES FILLES DU QUARTIER. ( 1980 )

Almodovar est bien sur la figure la plus renommée de la movida. Son premier long métrage est l’adaptation de sa bande dessinée ” Erecciones generales” ( érections générales) parue dans la revue barcelonaise ” el Vibora”. C’est un film de potes, il le tourne chez elles, en fonction de leurs disponibilités et du temps, aujourd’hui il est considéré comme le tableau emblématique du mouvement.

Pepi qui cultive de la marijuana sur son balcon se fait prendre sa virginité de force par son policier voisin en échange de son silence. Elle décide de se venger avec ses amies et la femme de celui-ci… Un Almodovar proche de John Waters dans son grain, ses plans et ses scènes trash, bref du vrai cinépunk qui sème les premières graines de ses oeuvres futures, et offre son premier rôle d’une longue série à Carmen Maura. Muse emblématique de la movida.

ARREBATO ( 1979 )

Ivan Zulueta est le deuxième plus grand réalisateur emblématique de la movida. Almodovar et Zulueta se complètent, le premier cherche véritablement à dépeindre l’air libéré qui agite leur temps, tandis que le second fait des films beaucoup plus conceptuels, en travaillant surtout l’image même.

Arrebato est un film pionnier pour sa liberté de création, il ne présente aucune limite ni censure. C’est un film sur le rapport de l’artiste à son art, sur le processus créatif du cinéaste. L’image du vampire est omniprésente, elle est métaphore de la drogue mais aussi de l’aliénation de l’artiste face à son art. Les films nous ensorcellent, ils nous possèdent, l’art apparaît ici comme un besoin addictif, le cinéma comme l’héroïne finit par absorber les âmes. Et la caméra vampirisante engloutira son propriétaire pour l’extraire du réel et l’imprimer sur sa pellicule…

QUE HACE UNA CHICA COMO TU EN UN SITIO COMO ESTE ? ( 1978 )

Film de Fernando Colomo, mettant aussi en scène Carmen Maura et Almodovar apparaît dans de nombreuses scènes comme figurant ! Ce film porte le titre d’une chanson du groupe de rock Burning. Le rock indé va toujours de paire avec le cinéma de la movida.

Une histoire simple mais qui ne manqua pas de marquer véritablement la société à sa sortie. Une femme d’une trentaine d’année se fait quitter par son mari, en plein divorce elle vit une nouvelle idylle avec un jeune rocker…

BAJARSE AL MORO ( 1989 )

Autre film de Fernando Colomo, adaptation de la pièce de théâtre homonyme écrite par Jose Luis Alonso de Santos écrite 4 ans plus tôt. Bajarse al moro est une expression désignant le fait de voyager au Maroc pour acheter du hachich afin de le revendre ensuite…

Chusa qui partage son appartement madrilène avec son cousin et un ami va régulièrement chercher du hachich au Maroc, elle propose à sa nouvelle amie Elena de l’emmener avec elle mais celle ci est vierge et ne peut transporter la drogue en elle. S’ensuit une série de mésaventures comiques au rythme de la musique du groupe Pata Negra qui apparaissent tout au long du film, et Antonio Banderas bien sur figure masculine de la movida.

A TOPE !!! ( 1984 )

A tope est une comédie musicale de Ramon Fernandez, un couple d’adolescents Juancho et Raquel se délie quand celui ci la trompe avec une jeune fille très sensuelle, mais Raquel fera tout pour le rendre jaloux.

Un teenage movie à l’esthétique new wave en plein coeur de la movida madrilène où l’on apprend à jouer des terribles lois de l’amour et du hasard au son des groupes de rock de l’époque. Un côté John Hughes ibérique qui fascina Andy Wharol à l’époque, aujourd’hui désuet voir oublié, il nous immerge pourtant totalement dans l’ambiance…

Eugénie Belier