Le Louxor fête les 5 ans de sa réouverture

Le Louxor est un temple du cinéma comme Paris n’en compte que trop peu. Avec sa réouverture il y a cinq ans, le pari de rallier un jeune public tout en renouant avec ses racines a été soldé d’un incroyable succès populaire. Rencontre avec son directeur, Emmanuel Papillon, pour un bilan de passionné.

À l’heure où “La Clef” fermait ses portes, le Louxor est millionnaire au-delà de toutes espérances. Ce sont 1 250 000 tickets déchirés que les équipes ont comptabilisé depuis sa rénovation. Œuvrant pour une programmation exigeante au sein du quartier en mutation de Barbès-Rochechouart, le rêve n’a pourtant failli jamais voir le jour. Après avoir été une boîte de nuit dans les années 80 puis complètement laissé à l’abandon, la négociation de la Mairie de Paris pour récupérer les murs fut longue, la reconstitution du décor néo-égyptien âpre.

Ce serait oublier que Barbès hérite d’une tradition cinéphile historique, avec pas moins de sept écrans en 1920. Ce serait négliger que la demande reste forte, dans des arrondissements où l’abandon culturel était problématique. Co-géré par la société Haut et Court, Xanthie Films, et Emmanuel Papillon, les équipes du Louxor ont pris à bras-le-corps le défaitisme artistique. Classé salle Art & Essai, le cinéma peut se targuer d’amener des publics de tous horizons… Comme un ultime clin d’œil de Thot, qui veille du haut de sa fresque murale.

Marin : Bonjour Emmanuel. En 5 ans vous avez affirmé une programmation exigeante tout en vous adressant à de larges publics dans un contexte globalement fragilisé pour les cinémas d’art et essai parisiens (cf. La Clef). Quel bilan tirez-vous pour le Louxor, et à titre personnel ?

Emmanuel Papillon : Il manquait un  cinéma dans ce quartier. Quand nous avons répondu à l’appel d’offre de la DSP, nous sommes partis de ce fait. Nous nous adressons à un public de quartier (du 10ème, 18ème et 9ème arrondissements) qui souhaite voir les films rapidement. Beaucoup de spectateurs me disent : “Avant nous allions une fois par mois au cinéma. Grâce au Louxor nous y allons maintenant une fois par semaine.”

M : Étant du quartier, le Louxor représente un pôle cinéphile autant pour sa sélection de films que ses tarifs compétitifs. Que prévoyez-vous pour continuer d’attirer le jeune public dans vos salles ?

EP : Nous sommes effectivement un cinéma Art et Essai qui accueillons beaucoup de jeunes. Parce que le quartier est habité par des jeunes, grâce au bar (qui est un lieu de rendez-vous prisé), mais aussi par nos activités annexes (cours de tango, chorale, ciné-quizz, concerts…). Il faut continuer à être inventif pour capter le public jeune, c’est l’enjeu majeur pour les salles Art et Essai à l’heure de Netflix.

M : Barbès se gentrifie à vue d’œil, pensez-vous sans tomber dans une dualité puérile que les publics populaires et les publics plus aisés peuvent cohabiter ?

EP : Nous sommes un cinéma Art et Essai de 3 écrans avec des tarifs particulièrement bas. Mais le tarif n’est pas le seul critère pour permettre à un public populaire de venir, il faut sans relâche mener des actions de médiation pour que tous les publics viennent. Nous le faisons pour le jeune public et parfois pour le public adulte. Tout cela n’est bien entendu pas suffisant.

M : Pouvez-vous expliquer à ceux qui ne connaissent pas l’Université Populaire du Louxor en quoi elle consiste ? 

EP : Le principe est de faire témoigner des personnalités qui ne sont pas du cinéma (ou très rarement) sur des films qui ont été fondateurs de leur cinéphilie. Nous avons reçu des hommes politiques, des plasticiens, des danseurs, des musiciens… Tout cela pour un prix très bas (6,50€).



M : 
De quel accomplissement êtes-vous le plus fier à ce jour ?

EP : Que toutes les écoles de la Goutte d’Or puissent grâce au Louxor venir régulièrement au cinéma.

M : De la Goutte d’Or à la Palme d’Or, quel événement vous a marqué lors de cette édition 2018 du festival de Cannes ? Quels films êtes-vous le plus impatient de projeter ?

EP : J’ai vu beaucoup de premiers et seconds films très réussis. J’ai beaucoup aimé un premier film marocain, Sofia de Meryem Benm’Barek.

M : En parlant projection, comment voyez-vous les 5 prochaines années ?

EP : La salle de cinéma est la pierre angulaire de la diffusion cinématographique. Je suis très confiant pour les années à venir.

Merci Emmanuel et à très vite au Louxor !
– Propos recueillis par Marin Woisard